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Re: [Fsfe-france] Quelles responsabilités pour l'au teur d'un logiciel


From: romain.boucq
Subject: Re: [Fsfe-france] Quelles responsabilités pour l'au teur d'un logiciel sous GNU GPL ?
Date: Thu, 13 Feb 2003 00:28:27 +0100

Eclaircissement sur certains points qui ont été mal perçu.

> > > Les cas dans lesquels les clauses limitatives ou
> > > exclusives de responsabilité peuvent être écartées
> > > sont les suivants :
> > >
> > > - en cas de faute lourde ou de dol (tromperie) de
> > >  la partie qui invoque le bénéfice de la clause ;
> >
> > Il ne peut pas y avoir de faute lourde, ni de dol de la part de l'auteur
> > d'un logiciel sous GPL. Il ne s'engage pas à ce que le licencié puisse
> > utiliser le logiciel, mais puisse le copier, le modifier et le
redistribuer
> > librement. Il s'agit d'une situation juridique créée par le contrat, de
> > manière automatique, sans qu'aucun comportement particulier ne soit
exigé
> > par l'auteur, c'est-à-dire sans obligation juridique.
> > Le dol suppose une mauvaise foi dans l'exécution du contrat de la part
de
> > l'auteur. Or, dans le cas de l'exploitation d'un logiciel libre, il sera
> > difficilement considéré de mauvaise foi car il "abandonne" ses droits
sur le
> > logiciel au profit de l'utilisateur, de manière vraisemblablement
gratuite.
>
> Je n'ai jamais rien entendu de tel. Le logiciel libre se base justement
> sur la notion de copyleft : l'auteur profite de sa propriété
> intellectuelle sur le dit logiciel afin d'exercer ses droits de manière
> particulière ; il donne les 4 libertés à quiconque.
> Télécharger un logiciel ne vous en rend pas propriétaire, cela vous met
> dans une situation de respect de la licence d'exploitation du logiciel.
> Dans le cas du logiciel libre sous GNU GPL, vous êtes tenus d'en
> respecter les termes. Non ?
> Vous voulez dire qu'il abandonne des droits que l'on est habitué à voir
> chèrement défénedus ? Certes !

Tout d'abord, remarquons que la question se pose autour de la validité ou
non de la clause élusive de responsabilité de la GNU GPL et d'aucun autre
contrat.

Je suis désolé de constater que l'emploi des " " autour de "abandonne"
peuvent être source de malentendu. En utilisant ces guillemets, je voulais
simplement éviter que l'emploi des termes "céder", "concéder" ou "autoriser"
ne créent des polémiques sur la nature du droit d'auteur et son rapport avec
celui du droit de propriété. Le choix du mot était maladroit, je le
reconnais. Je voudrais faire juste remarquer qu'en droit français, on peut
céder / louer des droits, mais jamais créer des libertés au profit d'autrui.
Il n'y a pas de concept juridique comme celui-là. Il me semble que c'est un
monopole du législateur et de la démocratie. En passant par la notion de
situation juridique, on aboutit à un résultat équivalent. L'emploi du
concept " création de liberté" ne sera pas recevable devant un juge,
pourtant celui de situation juridique modifié le sera. C'est une question de
mot mais les juristes aiment les nuances. En voulant trop nuancer, je crois
ne pas avoir été clair.

Il est clair que télécharger un logiciel ne permet pas de devenir
"propriétaire" de celui-ci. Le contrat lie effectivement l'auteur et le
licencié, mais ne crée pas d'obligation à la charge de l'auteur (effet légal
automatique) mais crée des "obligations" à la charge du licencié (le terme
"obligations" étant juridiquement impropre).

> > > - lorsque le logiciel est fourni à un consommateur,
> > >  en application du régime des clauses abusives (article
> > >  L 132-1 du Code de la consommation) ;
> >
> > Dans les rapports professionnels et non-professionnel et consommateur,
les
> > clauses abusives sont celles "qui ont pour objet ou pour effet de créer,
au
> > détriment du non-professionnel ou consommateur, un déséquilibre
significatif
> > entre les droits et obligations des parties au contrat."(L.132-1 code de
a
> > consommation)
> >
> > Dans le cas d'un logiciel libre, il n'est pas possible d'appliquer, me
> > semble-t-il, la législation du droit de la consommation, car il n'existe
pas
> > de déséquilibre significatif entre le professionnel et le consommateur.
>
> Le droit de la consommation$ ne s'applique-t-il _vraiment_ que lorsqu'un
> tel déséquilibre existe ?

Il n'est pas le lieu de faire - ici - un cours de droit de la consommation,
mais dans le cas des clauses abusives, il me semble que le texte cité
ci-dessus est clair.

> La notion de «professionnel» est aussi sujette à caution, non ?
> Je suis un professionnel de l'informatique, donc je ne peux plus, à
> partir de maintenant, faire un logiciel déféctueux ?
> Dans l'affirmative, tout concepteur de logiciels devrait se méfier... y
> compris les grands éditeur !

Je ne comprends rien à ce que vous voulez dire.

> > L'auteur réalisant un transfert de droit au profit du licencié, en
dehors de
> > tout cadre commercial et sans contrepartie, il n'existe donc pas de
> > consommateur ou de non-professionnel au sens où l'entend le droit de la
> > consommation.
> > Si l'auteur décide de faire payer le logiciel, il me semble
> > qu'il n'existe toujours pas de déséquilibre significatif au profit de
> > l'auteur puisque, par rapport à la pratique contractuelle des licences
> > informatiques standards, le contrat est effectivement déséquilibré, mais
au
> > profit du licencié.
>
> L'auteur ne réalise pas un "transfert de droits", il exerce ses droits
> en vous laissant une marge de manoeuvre énorme sur l'oeuvre en question.
> Tout utilisateur ne peut pas ajouter son copyright dès qu'il a lancé
> votre application (heureusement).
>

L'auteur réalise un "transfert" de droit car, juridiquement, si le licencié
n'a pas ce droit, il est en infraction et donc risque une action en
contrefaçon de la part de l'auteur. Il n'y a donc pas de "marge de
manoeuvre..." qui correspondrait à une simple tolérance (dans le sens
juridique du terme).

> D'après votre affirmation ci-dessus, le logiciel libre fait donc bien
> disparaître les notions de producteur et de consommateur ? On est bien
> alors face à un «objet juridique non identifié» ? ;-)
> Il y a bien des consommateurs et des producteurs, mais identifier les
> uns et les autres est très difficile.

Non, il n'y a pas de professionnel et de consommateur. Pour que ces notions
existent, il faut que l'un d'eux soit dans un cadre commercial ou
professionnel. Si vous êtes développeur indépendant et que vous réalisez des
logiciels pour vos clients, vous êtes un professionnel. Le week-end, lorsque
vous réalisez un logiciel libre pour votre seul plaisir et que vous le
distribuez gratuitement via votre site web perso, vous êtes un simple
particulier distribuant un logiciel libre.

Il ne faut pas confondre le langage courant et le langage juridique.
J'imagine que ce n'est pas facile, mais rassurez-vous, certains juristes
font pire, ils oublient qu'il existe une acception courante des mots. Par
ailleurs, le droit de la consommation est le pire exemple puisque la
catégorie de professionnel et de consommateur va se modifier en fonction de
la règle de droit à appliquer... C'est la raison pour laquelle il n'existe
pas de définition définitive du professionnel et du consommateur. Espérons
que cette explication aura été suffisamment claire. Sinon, recontactez-moi.

>
> Les programmes informatiques sont aujourd'hui tellement implantés
> partout dans notre vie qu'il ne faut même pas aller jusqu'à l'explosion
> d'un ordinateur pour que les dégats soient considérables.
> Imaginons que l'ordinateur contrôlant la navigation de l'avion dans
> lequel vous voyagez plante, style écran bleu. Pas une seule odeur
> nauséabonde de brûlé, mais vous n'avez que peu de chances de survie...
> Et si votre compte bancaire venait à devenir négatif ? Passer de 1000
> Euros en positif à 1000 Euros en négatif est une opération qualifiée
> d'élémentaire sur la plupart des plates-formes informatiques...

Vous avez tout à fait raison. L'article 1386-2 du Code civil énonce : "Les
dispositions du présent titre s'appliquent à la réparation du dommage qui
résulte d'une atteinte à la personne ou à un bien autre que le produit
défectueux lui-même." Par un raccourci intellectuel, je n'ai envisagé qu'une
causalité directe. Néanmoins, vous reconnaîtrait avec moi que l'hypothèse
que vous envisagez risque de ne pas se rencontrer en pratique. En effet, si
on utilise un logiciel libre dans un avion (par exemple), il me semble que
les ingénieurs qui l'installeront le testeront et profiteront de la
possibilité rare qui leur est offerte de pouvoir modifier le code source en
cas de problème. Sinon, ils se tourneront vers une entreprise pouvant
garantir l'utilisation du logiciel, ce qui n'est pas dans le champ de la
GPL, comme cela a été indiqué plus haut.

> > Par ailleurs, il ne faut pas oublier qu'il faut encore qualifier
l'auteur de
> > professionnel au sens du droit de la consommation, ce qui suppose, me
> > semble-t-il, une activié commerciale et un comportement commercial
vis-à-vis
> > du licencié. Si on prend l'hyptothèse d'une distribution GNU/Linux,
> > n'oublions que la GPL prévoit que le contrat est passé entre l'auteur
> > lui-même et le licencié. Ainsi, le licencié qui distribue des logiciels
> > n'est pas impliqué dans la relation. Connaissez-vous beaucoup d'auteur
de
> > logiciel libre - sous GNU GPL - ayant un comportement commercial
(attitude
> > spéculative et régulière) vis-à-vis de leur licencié ?
>
> Oui, toutes les sociétés qui font du service autour du logiciel libre.
> Cela concerne non seulement toutes celles qui ont bâti leur activité sur
> ce modèle, mais également de plus en plus de sociétés de services
> «classiques».

Les sociétés qui font du service autour du logiciel libre font... du service
autour du logiciel libre. Ce qui n'a rien à voir avec ce que j'ai écrit
ci-dessus (réalisation d'un logiciel libre et vendu par la société comme un
produit commercial). Par ailleurs, les sociétés "classiques" sont hors de
mon propos. De toute façon, la question ne se pose pas car il s'agit d'un
problème de mise en oeuvre de responsabilité du fait des produits défectueux
qui suppose la réunion de plusieurs éléments qui ne me semblent pas réunis
la plupart du temps, ce qui est heureux pour la plupart des auteurs de
logiciels libres (sinon le mouvement s'éteindrait de lui-même
malheureusement).

Je vous remercie de votre contribution qui a permis d'éclaircir des points
que j'avais très certainement mal exprimé, en espérant que les ambiguités
dans le texte d'origine soient toutes levées.

Romain Boucq
Doctorant en droit privé





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